Biologie végétale/Ligneux
Photo: INRA Clermont Ferrand
B O I S D E R E A C T I O N
Article de William MOORE, Daniel BARTHELEMY, Jean Luc REGNARD
I. Définition
« Bois qui présente des caractères plus ou moins distinctifs ; il se forme typiquement dans les portions de tiges penchées ou courbées et dans les branches ; tout se passe comme si le végétal s’efforçait de reprendre une position normale en réagissant de la sorte. (IAWA). Pour les dicotylédonés il en résulte du bois de tension, et dans les conifères un bois de compression. »
Dictionnaire forestier multilingue. Métro, 1975.
II. Caractéristiques associées et/ou modalités d'expression
Historique
Le bois de réaction a été observé pour la première fois par des chercheurs allemands (Sanio 1860, Hartig 1896), ils étudiaient principalement le bois de compression chez les conifères. Depuis ces premières observations, le phénomène du bois de réaction a fait l’objet d’une multitude de publications. En fait, le bois de réaction est d’une importance fondamentale pour trois raisons de base :
L’importance économique. Le bois de réaction est inutilisable en menuiserie. Voir par exemple Hoadley 1976 et 1981.
Le rôle qu’il joue dans l’orientation des axes d’un arbre, et donc l’acquisition de la forme. Voir par exemple Sinnot 1952.
Le rôle qu’il joue dans le comportement biomécanique de l’arbre. Voir Mattheck et Kubler 1995.
Pour une revue exhaustive concernant le bois de compression et son historique le lecteur peut se référé au livre de Timmel 1986
Caractéristiques du bois de réaction
Typiquement, le bois de réaction se forme unilatéralement sur les parties courbées des troncs et des branches. Les cernes de croissance sont généralement plus larges que les cernes du bois du côté opposé. Le tableau ci-dessous indique les principales caractéristiques du bois de réaction.
Chez les conifères, les trachéides, lors de leur croissance, accumulent des quantités importantes de lignine, ce qui donne au bois un aspect rougeâtre en section transversale, elles deviennent rondes en section transversale et elles sont plus courtes que les trachéides normales. Les micro fibrilles sont orientées perpendiculairement à l’axe long de la cellule. Ces caractéristiques donnent à ce bois une résistance mécanique élevée aux contraintes de compression. D’autre part, le bois de réaction se dilate longitudinalement en maturation ce qui a pour effet de courber la branche ou le tronc (fig. 1).
Chez les feuillus les fibres dans le bois de tension subissent des modifications importantes au niveau de la paroi secondaire lors de leur développement, en particulier un contenu plus important de cellulose et la formation d’une couche gélatineuse à la place de la S2, ce qui donne au bois une texture laineuse en section transversale. La couche gélatineuse est parfois nommée S2G. Ces caractéristiques donnent au bois de tension une résistance élevée aux contraintes de tension. D’autre part, le bois de tension se contracte en maturation ce qui a pour effet de courber la branche ou le tronc (fig. 1).
III. Discussion
De nombreuses expériences sur la formation du bois de réaction ont été effectuées par la réorientation artificielle des jeunes axes horizontaux et verticaux avec l’utilisation de haubans et de ligatures. Une tige complètement bouclée reprendra sa position verticale et les parties courbées sont renforcées par la mise en place du bois de réaction, (Jaccard 1938, fig. 2). Cet auteur a met aussi en évidence les contraintes de maturation associées au bois de réaction en sectionnant les boucles ainsi formées et en observant le déplacement des extrémités, (fig. 2).
Les expériences du même type faites par Sinnot (1952) montrent que le bois de réaction sert au maintien de la forme de l’arbre et à l’orientation des axes verticaux et horizontaux. La figure 3 présente une de ces expériences faite sur un jeune pin. Une branche horizontale réorientée artificiellement vers la verticale par haubanage, se réoriente après trois ans à l’horizontale suite à la mise en place du bois de compression.
La définition du bois de réaction figurant dans le dictionnaire forestier multilingue de Métro est issue du glossaire proposé par l’IAWA (International Association of Wood Anatomists) en 1964 dans son glossaire multilingue. Cette définition est adéquate pour le terme bois de réaction.
IV. Bibliographie
Fournier, M., H. Bailleres, et al. (1994). “Tree biomechanics: Growth, Cumulative Prestresses, and reorientations.” Biomimetics 2(3): 229-251.
Hartig, R. (1896). Das Rothholz der Fichte. Forstl-Naturwiss Z 5 : 96-109, 157-169.
Hartig, R. (1901). Holzuntersuchungen. Alt und Neues. Julius Springer, Berlin, 99pp.
Hoadley, R. B. (1976). Wood and How to Dry It. Fine Woodworking. 3: 1-5.
Hoadley, R. B. (1981). Abnormal wood: dealing with knots and reaction wood. Fine Woodworking. 26: 58-61.
Jaccard, P. 1938. Exzentrisches Dickenwachstum und anatomisch-histologische Differenzieurung des Holzes. Ber. schweiz. bot. Ges. 48 : 491-537.
Jodin, P. (1994). Le bois de réaction. Le Bois : Matériau d'Ingénièrie. A. p. l. r. s. l. b. e. Lorraine: 45-51.
Mattheck, C. and H. Kubler (1995). Wood - the internal optimization of trees, Springer-Verlag.
Métro, A. (1975). Dictionnaire forestier multilingue, Conseil International de la langue française.
Sanio, C. 1860. Einige Bemerkungen über den Bau des Holzes. Bot Ztg 1_ :193-198, 201-204, 209-217.
Sinnot, E. W. (1952). Reaction wood and the regulation of tree form. American journal of botany 39: 69-78.
Timell, T. E. (1986). Compression Wood in Gymnosperms 1. Bibliography, Historical Background, Determination, Structure, Chemistry, Topochemistry, Physical Properties, Origin and Formation of Compression Wood. with 341 Figures 706 p. ISBN 3-540-15715-8 ( in 3 Volumes). Springer Verlag, Berlin Heidelberg New York Tokyo
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C R O I S S A N C E D E S V E G E T A U X
La première étude du Canada portant sur la croissance des arbres dans l'espace
Malgré tous les fonds consacrés à la recherche forestière, on met relativement peu l'accent sur la physiologie fondamentale... « On ne comprend pas comment les arbres font du bois. »
Rod Savidge, Université du Nouveau Brunswick (UNB)
Au cours de son expédition de longue durée à bord de la Station spatiale internationale (ISS), l'astronaute de l'Agence spatiale canadienne (ASC) Bob Thirsk a effectué une tâche pour le moins inhabituelle, c'est-à-dire plier des tiges de saule en boucles. Non, il n'a pas entrepris le tressage de paniers comme passe-temps! Il a réalisé plutôt une expérience connue sous le nom d'APEX-Cambium (Expérience avancée sur les plantes en orbite). Financée par l'ASC, l'expérience APEX-Cambium contribuera à déterminer le rôle de la pesanteur dans la formation des différents types de bois.
D'après Rodney Savidge, physiologue des arbres à l'UNB et chercheur principal de l'expérience, les parties d'un arbre qui ne sont pas verticales développent une certaine forme de bois sur un côté et une autre forme de l'autre côté. Ce bois est connu sous le nom de « bois de réaction », et le mélange des différentes sortes de bois fait que certains arbres sont plus appropriés pour certaines utilisations (construction, fabrication du papier). Les scientifiques pensent que le bois de réaction est créé en réponse à la pesanteur, mais ils n'ont pas encore été en mesure de le prouver.
L'expérience de M. Savidge révélera si ce bois de réaction va se développer sur les côtés supérieurs du dessus et du dessous de boucles de saule dans des conditions d'apesanteur, comme c'est le cas sur Terre.
« S'il n'y a pas de bois de réaction qui se développe dans les boucles aux endroits attendus, cela indiquera que, sur Terre, le poids causé par la pesanteur est en cause », a déclaré M. Savidge.
Le cambium est un tissu végétal qui est à l'origine de la création de bois dans les arbres. Ce tissu remarquable permet au tronc et aux branches de prendre du volume et fournit à l'arbre la résistance nécessaire pour se tenir debout pendant sa croissance.
Les tiges en boucle, ainsi que des tiges témoins non pliées, ont été placées dans le système ABRS (Système de recherche biologique avancée), un incubateur dans lequel elles ont été cultivées pendant un mois environ avant d'être renvoyées sur Terre. Le développement se produit dans le cambium, une couche de tissu produisant des cellules qui finissent par se transformer en bois et en écorce (c'est pourquoi l'expérience est désignée APEX-Cambium).
On comparera les échantillons spatiaux à des échantillons qui auront été cultivés au sol dans la version terrienne de l'incubateur ABRS.
« On tente d'obtenir une seule variable, c'est-à-dire le poids », a ajouté M. Savidge.
Cette recherche a pour but d'améliorer les connaissances sur les processus biologiques fondamentaux des arbres. Malgré tous les fonds consacrés à la recherche forestière, on met relativement peu l'accent sur la physiologie fondamentale. D'après M. Savidge, on ne comprend pas comment les arbres font du bois.
Il a ajouté que les mesures mises en œuvre pour accélérer la croissance des arbres à des fins d'exploitation commerciale ont fait augmenter la quantité de bois de réaction présente dans les arbres de plantation, et cela le préoccupe beaucoup. Cette recherche viendra compléter les travaux visant à comprendre si nous poussons le développement des arbres trop loin et trop vite.
Cette expérience est l'une des raisons pour lesquelles la mission Expedition 20/21 à bord de l'ISS a été essentielle, tout comme le rôle qu'a joué le Dr Thirsk dans le cadre de l'expérience APEX Cambium. Bob Thirsk s'est occupé de marquer, de mesurer, de faire pousser et de modifier — au moyen d'un outil spécial mis au point par l'ASC en collaboration avec M. Savidge — dix-huit plants de saules. De ce nombre, douze ont été pliés en boucles et six ont poussé librement (ce groupe constituera le groupe témoin). Au terme d'une période de trente jours, un astronaute a recueilli les plants en boucles et les plants témoins, et les a préservé dans une solution spéciale en vue de leur retour sur Terre. Une fois les plants rapatriés, M. Savidge analysera les résultats de l'expérience.
APEX-Cambium est un projet conjoint de l'ASC et de la National Aeronautics and Space Administration (NASA), celle-ci fournissant l'incubateur ABRS. Le projet comporte également une seconde expérience réalisée par des chercheurs américains qui vise à détecter les stresseurs qui agissent sur l'expression génétique des plantes supérieures dans l'espace. M. Rodney Savidge, de l'UNB, dirige l'équipe scientifique canadienne en collaboration avec l'ASC. L'entreprise Bionetics, située au Space Life Sciences Laboratory (SLSL) du Kennedy Space Center de la NASA, est le sous-traitant de laNASA qui a développé l'incubateur utilisé pour l'expérience. Grâce à une étroite collaboration avec le SLSL de la NASA au cours des trois dernières années, les arbres utilisés pour l'expérience croissent dans les meilleures conditions. L'ASC gère le projet et fournit à l'équipe le financement et l'expertise opérationnelle nécessaires au succès de la mission. APEX-Cambium comportera une seconde expérience réalisée par des chercheurs américains qui visera à détecter les stresseurs agissant sur l'expression génétique des plantes supérieures dans l'espace.
D'abord, M. Savidge place et fixe une gaule dans un outil conçu spécialement pour plier les tiges, et forme une boucle avec la tige souple de la gaule à l'aide de cet outil. Le plant est ensuite étiqueté et photographié afin que sa croissance, en particulier à l'endroit où se trouve la boucle, puisse être mesurée.
On a fait pousser environ 150 plants pour l'expérience APEX-Cambium, mais seulement 18 des meilleurs spécimens ont été choisis pour séjourner dans l'espace. On fait pousser les plants dans des tubes contenant des nutriments, de la sphaigne, de la mousse et du charbon de bois afin de s'assurer que les racines restent humides et se développent correctement.
http://www.asc-csa.gc.ca/fra/sciences/apex.asp
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Pour aller plus loin:
Université Bordeaux 1 Sciences et Technologies - Doctorat Thèse PhD 2003
http://www.memoireonline.com/10/06/249/m_inventaire-parametres-proprietes-mecano-physiques-tissus-ligneux34.html
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